Une série de droits fondamentaux sont profondément ancrés dans notre droit comme dans plusieurs textes de droit international. Ils constituent l’un des socles d’un État de droit. D’où viennent-ils? Quand et comment ont-ils été reconnus ? En voici dix.
Le respect de la dignité humaine
Le respect de la dignité humaine consiste à reconnaître les autres comme des sujets plutôt que comme des objets ou des moyens. Ce concept a été développé par le philosophe Kant au 18ème siècle. Le principe de dignité est reconnu dans de nombreux systèmes juridiques nationaux et instruments internationaux tels que l’Acte constitutif de l’UNESCO (1946), la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) et la Charte européenne des droits fondamentaux (2000). En France, le principe de dignité est inscrit dans la Constitution et le Conseil constitutionnel l’a fait prévaloir sur la liberté individuelle.
Le Conseil a également identifié plusieurs principes juridiques qui découlent du principe de dignité, tels que la primauté de la personne humaine et l’intégrité du corps humain. Le respect de la dignité humaine est considéré comme une composante de l’ordre public par le Conseil d’État. Les individus peuvent invoquer le droit à la dignité devant un tribunal pour demander réparation en cas de violation. Les atteintes à la dignité par un tiers sont pénalisées, alors que les tentatives d’automutilation ou de suicide ne le sont pas. La récente loi pénitentiaire de 2009 renforce les droits à la dignité des détenus, notamment le droit à l’intimité lors des accouchements et des examens gynécologiques.
La liberté personnelle et le respect de la vie privée
La vie privée est protégée par des mesures juridiques nationales et internationales. La Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention européenne des droits de l’homme soulignent toutes deux le droit à la vie privée. En France, le Code civil et le Code pénal prévoient également une protection juridique de la vie privée. Le principe de la liberté individuelle sous-tend le droit à la vie privée, comme l’indique la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Le Conseil constitutionnel a reconnu la protection constitutionnelle de la vie privée en 1995. Différents aspects de la vie privée sont protégés, notamment le secret professionnel et médical, la protection du domicile, le droit à l’image et les relations personnelles intimes. Pour faire face aux risques posés par les avancées technologiques, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a été créée en 1978. La CNIL veille à la protection des données personnelles et a le pouvoir d’autoriser ou de refuser les traitements de données sensibles et de sanctionner les manquements.
La liberté de conscience et de culte
La liberté de conscience et de culte est reconnue à la fois par le droit français et par les textes internationaux. La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et la Convention européenne des droits de l’homme de 1950 utilisent des formulations très proches. Toutes deux déclarent que toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, y compris la liberté de changer de religion ou de conviction et de manifester sa religion ou sa conviction en public ou en privé.
En France, le principe de la liberté de conscience et de culte, ainsi que le principe de séparation des religions et de l’État, forment le cadre juridique de la laïcité. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 garantit que nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, dès lors que leur expression ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État proclame la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes, avec des restrictions uniquement dans l’intérêt de l’ordre public. Le principe de la liberté de conscience est protégé par le droit pénal, avec l’instauration d’un délit d’atteinte à la liberté de conscience.
En 1977, le Conseil constitutionnel a expressément reconnu la liberté de conscience comme l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Le Conseil d’État a affirmé en 2005 que la liberté de culte est une liberté fondamentale. Le principe de séparation des religions et de l’État est également garanti par la loi française, la République ne reconnaissant, ne salariant et ne subventionnant aucun culte. L’activité religieuse est strictement privée, et au nom de l’égalité de traitement des usagers, l’administration doit faire respecter une stricte obligation de neutralité à l’égard des agents publics quant à l’expression de leurs croyances. Le Conseil d’État a considéré que l’utilisation d’une adresse électronique de service public pour une association religieuse constituait une violation du principe de laïcité et de neutralité.
La Cour de cassation a jugé en 2005 que le droit de manifester librement sa religion n’est pas absolu et doit être concilié avec d’autres impératifs. En conséquence, le législateur a réaffirmé le principe de laïcité dans l’enseignement public primaire et secondaire par une loi de 2004, qui interdit le port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans les établissements scolaires.
La liberté d’expression et de communication
La liberté d’expression est un droit fondamental protégé par la Convention européenne des droits de l’homme et la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen. Si les individus ont le droit d’exprimer librement leurs opinions et de recevoir ou de communiquer des informations, cette liberté connaît des limites, telles que l’interdiction de la diffamation, de l’incitation au racisme ou à la violence, et de la publication de contenus pornographiques.
La liberté de communication, notamment dans le domaine audiovisuel, est essentielle à notre système démocratique et fait l’objet d’un processus d’autorisation administrative afin d’assurer la préservation du pluralisme et l’expression diversifiée des courants socioculturels.
La liberté de réunion et la liberté d’association
La liberté de réunion est reconnue par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par les Nations unies en 1966. Alors que la Constitution américaine protège le droit de réunion pacifique, les normes constitutionnelles françaises ne traitent pas spécifiquement de cette liberté. Cependant, le Conseil constitutionnel français a fait référence au “droit à l’expression collective des idées et des opinions” au même titre que la liberté individuelle et la liberté de circulation.
Le Conseil d’État a établi que les mesures visant à maintenir l’ordre public doivent être équilibrées avec le droit de réunion et doivent être justifiées, appropriées et proportionnées. Le principe de la liberté d’association est très apprécié en France, avec 1,3 million d’associations recensées en 2013. La liberté d’association a été reconnue par la loi en 1901, puis érigée en principe constitutionnel en 1971 par le Conseil constitutionnel. Si des restrictions peuvent être imposées dans l’intérêt de l’ordre public ou de la sécurité, certaines associations, comme les milices et les groupes de combat, peuvent être dissoutes par le gouvernement.
Le droit de propriété
Le droit à la propriété est un pilier essentiel de la société humaine, comme le soutient la philosophe et romancière américaine Ayn Rand dans son roman “Atlas Shrugged”. Il est légalement protégé dans de nombreux États et reconnu par diverses déclarations et conventions internationales. La Déclaration universelle des droits de l’homme affirme que chaque individu a droit à la propriété et ne peut en être privé de manière arbitraire. De même, la Convention européenne des droits de l’homme reconnaît le droit de propriété et établit les conditions dans lesquelles il peut être restreint pour des motifs d’utilité publique.
En France, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen reconnaît la propriété comme un droit naturel, tout en permettant certaines exceptions. Le Code civil définit la propriété comme le droit d’user, de jouir et de disposer des biens. Ce droit de propriété peut être exercé tant par des individus que par des collectivités, et il peut prendre diverses formes, y compris la copropriété et la communauté de biens.
La liberté d’entreprendre
La liberté d’entreprendre est un fondement essentiel de notre société moderne. Elle est inextricablement liée au fonctionnement de l’économie de marché et au développement économique. Imaginez un instant notre monde sans cette liberté. Nos villes, y compris des quartiers emblématiques comme La Défense à Paris, seraient bien différents.
La liberté d’entreprendre englobe le droit fondamental de chaque individu de décider s’il souhaite créer ou non une entreprise, dans le domaine de son choix, en adoptant la forme juridique qui lui convient, et de la gérer en toute autonomie, tout en respectant les lois et règlements en vigueur.
En France, la liberté du commerce et de l’industrie a été proclamée après la Révolution de 1791. Bien qu’elle soit un principe fondamental, elle n’est pas absolue, car le législateur peut imposer certaines limitations, tout en étant soumis au contrôle du Conseil constitutionnel. Cette liberté s’applique également à l’administration, et elle impose la primauté du secteur privé dans les activités économiques.
La garantie juridique du droit de propriété, la force obligatoire des contrats et la liberté d’entreprendre sont des éléments cruciaux pour le bon fonctionnement de l’économie et la prospérité de la société. Elles favorisent l’innovation, encouragent la concurrence et stimulent la croissance économique.
Ainsi, la liberté d’entreprendre est un pilier incontestable de notre société contemporaine, contribuant à façonner nos villes, notre mode de vie et notre prospérité économique.
La liberté du travail
La loi des 2 et 17 juin 1791 a posé le principe fondamental de la liberté du travail, en affirmant que les individus sont libres d’exercer le métier ou la profession de leur choix. Cependant, il est important de faire la différence entre le travail indépendant et le travail dépendant. Alors que la liberté d’entreprendre relève du travail indépendant, la liberté du travail, telle qu’on l’entend aujourd’hui, relève du travail dépendant.
La Constitution de 1946 met l’accent sur le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi, même si ce dernier reste largement théorique. La Cour de cassation a depuis longtemps reconnu et référencé le principe constitutionnel de la liberté du travail.
Cette liberté englobe le droit de travailler ou de refuser de travailler, avec une interdiction explicite du travail forcé. Elle garantit également le droit de ne pas être empêché de travailler et protège les travailleurs non syndiqués contre les clauses discriminatoires des conventions collectives. En outre, elle protège les droits des travailleurs non grévistes pendant les conflits collectifs. L’âge, la nationalité et la compétence peuvent limiter la liberté de travail dans certains cas. La liberté du travail comprend également le droit de choisir sa profession et de gagner sa vie.
Elle doit cependant être conciliée avec la durée légale du travail dans le cas d’un travail salarié. Le cumul d’emplois et d’employeurs est autorisé tant que les limites légales de la durée du travail sont respectées. La liberté du travail englobe également le droit pour un salarié de démissionner de son emploi, ce qui interdit de s’engager à vie. Enfin, la Cour de cassation a jugé que les clauses de non-concurrence peuvent porter une atteinte excessive à la liberté du travail en empêchant les salariés d’obtenir un emploi.
Les libertés collectives : le droit de grève et la liberté syndicale
Le droit de grève et la liberté syndicale ont été reconnus en France à la fin du XIXe siècle et introduits dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 au titre de principes politiques, économiques et sociaux « particulièrement nécessaires à notre temps ». Le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 fait référence au préambule du texte constitutionnel de 1946.
La liberté syndicale et le droit de grève sont reconnus par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adopté le 16 décembre 1966 par l’Assemblée générale des Nations unies (article 8) et par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000 (article 28, « Droit de négociation et d’actions collectives »).
Le droit de grève
Le texte original traite de l’évolution du droit de grève en France. La loi Le Chapelier de 1791 interdit aux ouvriers et aux artisans de former des coalitions. Cependant, la loi Ollivier de 1864 a dépénalisé les grèves, permettant aux travailleurs de protester sans craindre d’être sanctionnés. Le droit de grève a ensuite été inscrit dans la Constitution en 1946, à condition d’être réglementé par des lois. Dans le secteur privé, les grèves doivent être collectives, concertées et impliquer une cessation totale du travail pour des revendications professionnelles. Certains travailleurs du secteur public, comme le personnel des CRS, les policiers et les magistrats, n’ont pas le droit de faire grève. Le droit de grève dans le secteur public doit également s’équilibrer avec la nécessité de maintenir les services essentiels, ce qui a conduit à l’introduction d’exigences de service minimum dans divers secteurs. Les syndicats doivent donner un préavis de cinq jours avant d’organiser une grève dans le secteur public.
La liberté syndicale
Près d’un siècle après la loi Le Chapelier (14 juin 1791), une loi du 21 mars 1884, dite ” loi Waldeck-Rousseau “, autorise la création de syndicats professionnels. Un syndicat professionnel est un rassemblement de salariés ou d’employeurs ayant des intérêts professionnels communs, créé pour les représenter et les défendre. La liberté syndicale est protégée par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui précise que chacun peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix. Cette liberté implique celle de créer un syndicat par simple dépôt des statuts et de la liste des dirigeants à la mairie du siège du syndicat. Elle implique également la liberté pour chaque individu d’adhérer ou non à un syndicat.
Concernant les syndicats de salariés, personne ne peut être contraint d’adhérer à un syndicat ou être pénalisé pour ne pas être adhérent. De plus, un employeur ne peut pas prendre en compte l’affiliation ou l’absence d’affiliation syndicale d’une personne dans ses décisions d’embauche, de promotion ou de licenciement. Cependant, les employés syndiqués sont considérés comme des “employés protégés“, ce qui signifie que des procédures spéciales sont appliquées si l’employeur envisage de les licencier.
L’employeur doit obtenir l’autorisation de l’inspecteur du travail, et si cette autorisation n’est pas obtenue, le licenciement peut être annulé. La liberté syndicale s’accompagne du pluralisme syndical, c’est-à-dire de l’existence d’une pluralité de syndicats.
Le droit à un procès équitable
L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme est l’article le plus connu et le plus fréquemment invoqué devant la Cour européenne des droits de l’homme. Il relève du “droit à un procès équitable” et garantit que toute personne a le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable. Le procès doit être mené par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui statuera sur les litiges civils ou la validité des accusations criminelles.
Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès à la salle d’audience peut être restreint dans certaines circonstances. Le principe du droit à un procès équitable découle d’une longue tradition qui trouve son origine en Angleterre, avec des jalons juridiques tels que la Magna Carta, la loi sur l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits. En France, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 garantit également certains droits liés aux procès équitables.