Comment apporter la preuve des faits invoqués?

Nous vous guidons sur l'apport de preuves en justice, notamment en divorce afin de vous permettre de vous construire un dossier solide.

Temps de lecture : 9 minutes

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Au tribunal, il est important d’avoir des preuves pour appuyer vos affirmations. Votre honnêteté, l’argumentation de votre avocat, et la vraisemblance de votre situation ne suffisent pas. Vous devez fournir des documents de preuve, appelés “pièces” dans le jargon judiciaire.

La preuve est essentielle en justice, et vous pouvez utiliser n’importe quel type de preuve devant le tribunal.

Les copies et impressions

Les documents élaborés par les conjoints résultent en général de photocopies d’originaux ou d’impressions de documents numériques qui sont déjà en leur possession.

C’est ainsi que sont établis la plupart des documents relatifs aux ressources et aux dépenses des époux.

Parmi les pièces destinées à établir les ressources et dépenses des conjoints, on peut notamment citer :

  • avis d’imposition ;
  • bulletin de salaire ;
  • pension de retraite ou de réversion ;
  • revenus fonciers (loyers) ;
  • rémunération d’un portefeuille de valeurs mobilières ou dividendes perçus;
  • dépenses ménagères (électricité, connexion Internet, gaz … ) ;
  • impôts (taxe foncière, taxe d’habitation … ) ;
  • dépenses engagées pour les enfants (frais de scolarité, de garde, d’activité sportive … ) ;
  • mensualités de remboursement d’un emprunt immobilier ;
  • pension alimentaire versée pour les enfants d’un premier lit ;

Les photocopies et impressions peuvent aider à montrer la faute de votre conjoint. Beaucoup de divorces sont décidés sur la base de ces documents. Donc, lorsque les choses deviennent tendues dans un couple, il est important d’avoir des copies de tout écrit qui pourrait vous aider avant qu’il ne soit trop tard.

Voici quelques « pièces » qu’il est possible de présenter devant un tribunal, étant précisé que la force probatoire de certaines d’entre elles peut s’avérer faible, notamment lorsqu’elles proviennent d’Internet en raison des risques de falsification :

  • impression d’un courriel d’insultes de la part de votre conjoint;
  • document demandant à La Poste de transférer votre courrier à une nouvelle adresse (preuve de la séparation des époux) ;
  • impression d’une page Facebook établissant l’infidélité de votre conjoint;
  • relevé bancaire indiquant l’absence soudaine de virements de la part de votre conjoint ;
  • main courante, dépôt de plainte, décision de condamnation portant sur des violences.

Preuves sur Internet
Pour être vraiment utiles, les preuves en ligne (emails, sites web, pages Facebook, comptes Twitter, réseaux sociaux en général…) doivent suivre certaines règles. Comme il est assez facile de falsifier des informations sur Internet, il est important d’authentifier avec certitude l’auteur des contenus problématiques. Des professionnels (huissier ou expert informatique) peuvent vous aider, mais il existe aussi des sites qui vous aident à créer la preuve vous-même, en vous assurant que le document respecte toutes les conditions requises par la loi et les tribunaux.

Les attestations de témoins

Les attestations sont des documents écrits par des personnes qui confirment certains faits (comme les compétences parentales, la maltraitance, les relations extraconjugales, etc.). Pour être utilisées devant un tribunal, elles doivent respecter certaines règles : elles doivent être écrites à la main et expliquer comment le témoin connaît la personne concernée (par exemple, si c’est un parent, un ami ou un collègue). Les témoins doivent savoir qu’ils peuvent être punis s’ils mentent. Ils doivent aussi inclure une copie de leur carte d’identité avec l’attestation. Sinon, l’attestation pourrait être rejetée.

À savoir
Les enfants et petits-enfants (de même que leurs conjoints, partenaires ou concubins) des époux qui divorcent ne peuvent pas produire d’attestations.

Le plus souvent, les attestations sont rédigées en début de procédure après que les époux ont vu un avocat. Rien n’empêche cependant de les préparer en amont en demandant aux personnes concernées si elles sont prêtes à les fournir.

Voici quelques conseils pratiques :

  • le rédacteur de l’attestation doit se borner à relater les faits qu’il a observés ou personnellement constatés, sans donner son avis, ni porter de jugement de valeur;
  • les faits décrits doivent être précis et circonstanciés, si possible datés ;
  • il est préférable que l’attestation soit proche des événements afin d’éviter que les souvenirs du témoin ne s’émoussent, que sa motivation à rédiger le document ne s’érode ou tout simplement qu’il ne déménage;
  • même si le témoin n’a pas observé directement les faits (violences conjugales, injures, maltraitance sur enfant … ), il pourra par exemple raconter avoir vu régulièrement la victime en pleurs ou se plaindre des agissements de son conjoint après avoir entendu des disputes ;
  • un tel document ne sera pas sans portée, surtout s’il est corroboré par d’autres témoignages ;
  • la portée de l’attestation sera d’autant plus forte qu’elle émane d’une personne ayant des liens relativement éloignés avec l’époux concerné (voisin, commerçant du quartier, parent d’élève … ), dont l’objectivité sera moins mise en doute. Ce qui ne doit pas vous empêcher de solliciter votre entourage immédiat ! ;
  • vous pouvez trouver un modèle d’attestation, le formulaire Cerfa n° 11527*02, en ligne sur le site www.service-public.fr.

EXEMPLE

Attestation Je soussigné(e) NOM PRÉNOMS DATE ET LIEU DE NAISSANCE PROFESSION ADRESSE Lien de parenté, d’alliance, de subordination, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec les parties: LIEN

Conscient que cette attestation sera utilisée en justice et ayant pris connaissance des dispositions de l’article 441-7 du code pénal qui sanctionne l’établissement d’attestations présentant des faits matériellement inexacts.

Vivant sous l’appartement occupé par M. et Mme X. et leurs deux enfants, j’ai souvent entendu des éclats de voix forts lors de disputes. J’ai également entendu à plusieurs reprises un bruit sourd, comme si un meuble était tombé.

Le soir du 28 octobre 2013, j’ai rencontré Mme X. dans le couloir, visiblement choquée. Elle s’est excusée de me déranger et m’a dit : « Une fois de plus, il m’a frappée, je n’en peux plus ! Regardez ce qu’il m’a fait cette fois. » Elle m’a montré un gros bleu sur sa cuisse. Je lui ai conseillé d’aller à la police, mais elle a refusé, en disant : « Si je fais ça, il va se venger, ça va être encore pire. Je ne peux pas laisser mes enfants seuls avec lui. »

Peu de temps après, les bruits ont cessé. J’ai croisé M. X. une fois, mais pas sa femme ni ses enfants. J’ai demandé à la gardienne de notre immeuble, un peu avant Noël, si Mme X. et les enfants étaient toujours là. Elle m’a répondu que Mme X. était apparemment partie avec ses enfants.

LIEU ET DATE

SIGNATURE

Les documents établis par des professionnels

Un huissier de justice peut être chargé de dresser un constat. Sa haute autorité assure que le document qu’il élabore (le procès-verbal de constat) ne peut être contesté, sauf dans des cas exceptionnels.

L’huissier peut intervenir à tout moment, jour et nuit, en semaine ou le dimanche. Cependant, il ne peut intervenir que dans les communes relevant du tribunal de grande instance auquel il est rattaché. De plus, il ne peut intervenir dans un lieu privé sans l’accord du propriétaire, à moins d’une autorisation judiciaire. Dans ce cas, l’intervention doit se dérouler entre 6 heures et 21 heures.

Vous pouvez trouver un huissier en consultant l’annuaire mis en ligne par la Chambre nationale des huissiers de justice sur le site www.huissier-justice.org. Un annuaire est également diffusé par la Chambre des huissiers de justice de Paris (www.huissiersdeparis.com). Enfin, vous pouvez utiliser un moteur de recherche, de nombreux huissiers disposant d’un site Internet.

Le rôle de l’huissier dans les divorces
Outre les constats, un huissier a notamment pour mission de faire exécuter les décisions de justice (tels les mesures provisoires ou le jugement de divorce) et les actes notariés (voir question 22), d’assurer le recouvrement amiable de créances (telles des pensions alimentaires), de « signifier » des actes, c’est­à-dire de les porter à la connaissance des personnes auxquelles ils s’adressent dans des formes qui rendent la communication incontestable (comme une assignation en divorce). Son office est donc indispensable dans les divorces, notamment conflictuels.

EXEMPLES Un époux peut requérir un huissier afin de faire constater:

  • l’adultère commis par son conjoint, celui-ci et son amant(e) étant vus en train de s’embrasser ou de sortir ensemble d’un hôtel;
  • le changement de serrure effectué par un conjoint en l’absence de l’autre, l’empêchant ainsi d’avoir accès au domicile conjugal;
  • les dégradations commises dans un appartement à la suite d’une dispute violente entre conjoints;
  • les meubles garnissant le domicile conjugal lorsque l’un des conjoints s’en va. L’huissier dressera alors un procès-verbal d’inventaire;
  • les messages vocaux, SMS ou courriels injurieux laissés par le conjoint.

Un agent de recherches privées peut aider un conjoint à établir certains faits. Il est susceptible d’apporter la preuve d’un adultère (photographies … ), d’établir l’existence d’un patrimoine ou de revenus provenant de l’étranger, d’une activité commerciale, de retrouver le domicile du conjoint …

Pour renforcer la valeur probatoire de ses découvertes, l’agent de recherches privées peut faire appel à un huissier pour dresser un constat.

EXEMPLE M. X. et Mme Y. vivent séparés depuis quelques mois. M. X. s’est installé en Corse. Mme Y., restée à Lille dans le domicile conjugal, le soupçonne d’avoir une maîtresse. Pour en avoir le cœur net, elle demande à un agent de recherches privées de se rendre sur place pour enquêter. L’agent revient en confirmant l’existence d’une maîtresse, qui plus est enceinte, vraisemblablement des œuvres de son mari. Pour donner davantage de force à son rapport, il demande à un huissier de constater, photographies à l’appui, que le mari et la femme s’embrassent en public et que celle-ci paraît enceinte.

Qu’est-ce qu’un agent de recherches privées?
Un agent de recherches privées (plus connu sous le vocable de « détective privé ») est un professionnel libéral ayant vocation à recueillir, même sans faire état de sa qualité ni révéler l’objet de sa mission, des informations ou renseignements destinés à des tiers, en vue de la défense de leurs intérêts. Ses honoraires sont libres et ses services en pratique réservés aux couples fortunés. Son activité est réglementée aux articles L. 621-1 et suivants du code de sécurité intérieure.

Divers professionnels peuvent être sollicités par les conjoints. Les écrits qu’ils rédigeront auront une force probatoire certaine, parce que les faits invoqués auront été corroborés par des tiers dont, a priori, l’indépendance et la probité professionnelle seront présumées, même si c’est vous qui les avez contactés. En conséquence, évitez de vous adresser à une personne de votre famille portant le même nom que vous !

EXEMPLES

Les professionnels susceptibles d’intervenir dépendent des circonstances, mais certains sont davantage sollicités que d’autres :

  • médecin généraliste ayant constaté des plaies chez un patient dénonçant des violences physiques de la part de son conjoint;
  • médecin psychiatre certifiant l’état dépressif d’une personne se plaignant de harcèlement de la part de son conjoint;
  • agence immobilière estimant la valeur locative d’un bien immobilier;
  • commissaire-priseur estimant la valeur d’un tableau ;
  • expert-comptable estimant la valeur et les revenus d’une entreprise.

Attention – Les documents ont été préparés à votre demande. Ils peuvent être contestés par votre conjoint, qui peut présenter d’autres documents, avec un point de vue différent, provenant également de professionnels.

Les experts judiciaires peuvent intervenir à deux niveaux. Premièrement, ils peuvent être sollicités, comme tout autre professionnel, par l’un des conjoints, en dehors de la procédure. Le choix d’un professionnel inscrit sur la liste des experts judiciaires peut être justifié par la recherche d’une compétence garantie et l’espoir d’une plus grande autorité des avis émis sur les juges. Le document délivré n’aura pas de valeur particulière.

Deuxièmement, l’expert judiciaire peut intervenir dans le cadre de la procédure de divorce. C’est le juge lui-même, à la demande de l’un ou l’autre des conjoints, qui nomme l’expert. Le rapport de l’expert, le cas échéant après une contre-expertise, ne pourra alors pas être contesté.

Une demande d’expertise judiciaire ne peut être faite qu’en cours de procédure. Le coût de l’expertise sera à la charge du conjoint qui la demande. L’expertise peut prolonger considérablement la procédure. En matière de divorce, les demandes d’expertise peuvent conduire à faire appel aux mêmes professionnels que ceux mentionnés ci-dessus (notamment des médecins, des psychologues, des experts-comptables…).

Qu’est-ce qu’un expert judiciaire ?
Un expert judiciaire est un professionnel non-juriste, mandaté par un tribunal pour fournir son avis sur des questions techniques. Pour être éligible, il doit être inscrit sur une liste disponible auprès de chaque cour d’appel. Il est important de noter que le tribunal n’est pas obligé de suivre son avis. Il y a des experts dans une grande variété de disciplines, et leurs listes sont accessibles sur les sites des principales cours d’appel. Elles peuvent également être trouvées sur le site du Conseil national des compagnies d’experts de justice : www.fncej.org.

La police peut être appelée à constater des faits. Comme nous l’avons vu précédemment, une main courante enregistrée suite à une déclaration de l’un des époux a une portée limitée. Cependant, si la police a été appelée au domicile conjugal suite à une dispute violente, a constaté des dégâts matériels et des blessures physiques et a procédé à l’audition des conjoints, la main courante enregistrée suite à ces événements aura une portée significative si elle est présentée à un tribunal.

En général, tout document provenant de la police qui constate des faits concernant les conjoints aura une force probatoire importante. Par conséquent, il est crucial d’appeler la police lorsque des faits susceptibles de constituer une infraction (violences, vol, séquestration, etc.) surviennent.

Une condamnation judiciaire est un fait facile à prouver. Il suffit de produire le jugement de condamnation, qui ne pourra être contesté.

Comment obtenir une copie d’une décision de justice ?
Si c’est une décision rendue en matière pénale (condamnation pour crime ou délit), toute personne peut demander une copie auprès du tribunal en utilisant le formulaire Cerfa n° 1282301, disponible en ligne sur le site www.service-public.fr. Si c’est une décision rendue en matière civile, il faut utiliser le formulaire Cerfa n° 1180804, également en ligne sur le même site, ou envoyer une lettre simple au greffe (secrétariat) du tribunal qui a rendu la décision. Si la décision n’a pas été rendue publiquement (ce qui est courant dans les affaires familiales), seules les personnes « parties » à la procédure peuvent en obtenir une copie (la personne condamnée, celle ayant porté plainte, ou celle ayant saisi le tribunal, etc.).

La loyauté de la preuve

Soyez vigilant sur la manière dont vous obtenez vos preuves ! Il est illégal d’obtenir des preuves par la violence ou de manière illégale, notamment en cas de violation de domicile, atteinte au secret professionnel ou à l’intimité de la vie privée. Vous ne pouvez pas ouvrir le courrier de votre conjoint, ni prendre ses codes d’accès pour consulter sa boîte mail, ses SMS ou sa page Facebook. Il est également interdit d’enregistrer une conversation téléphonique sans son consentement.

Cette règle pose des problèmes. D’abord, il est souvent difficile de déterminer si le document a été obtenu de manière déloyale. Si un conjoint a l’habitude de laisser son partenaire utiliser son téléphone portable, il lui sera difficile de lui reprocher un comportement illicite s’il découvre un SMS compromettant. De même, que faire si vous tombez sur un message ambigu sur la page Facebook de votre conjoint, accessible via un de ses “amis” ?

Deuxièmement, même s’il y a fraude, il faut encore la prouver ! Si un conjoint prétend avoir trouvé l’ordinateur de son partenaire allumé avec un courriel litigieux à l’écran, comment prouver qu’il a en fait utilisé les codes de son partenaire sans son consentement ? Tout dépendra alors de la capacité de votre avocat à convaincre le juge.

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